
Une femme sortait d’un taxi, sous les néons blafards du Morrison Palace Hotel. Je l’ai suivie, traversant le porche de marbre glacé. Derrière moi, la porte s’est refermée avec un soupir lourd, étouffant le vacarme de la ville. Ici, l’air sentait le cuivre poli, le mensonge et les parfums coûteux.
J’ai à peine eu le temps d’apercevoir sa silhouette. Elle c’est glissé dans un ascenseur, et les portes se sont refermées sur mon hésitation. Je me suis retrouvé seul dans ce hall immense, l’écho de mes propres pas pour seule compagnie. Les conversations sont revenues comme un bruit de fond, et les regards se sont posés sur moi, froids, indifférents.
La réceptionniste m’a toisé. Je ne pouvais pas rester là, à attendre que mon alibi se décompose. La seule chose que j’avais, c’était ma mallette en cuir. Pas vraiment l’attirail d’un homme en vacances. Le temps que le client devant moi retiennes l’attention de la fille, je me suis glissé dans la peau d’un homme d’affaires obligé de passer une nuit en ville.
— Bonsoir, Monsieur. Bien sûr, nous avons des chambres disponibles. Vous avez des préférences ?
L’ascenseur est arrêté au 4eme, je demande une chambre à cet étage. Je tends mon passeport, ma main tremble un peu en remplissant la fiche.
— Pardonnez mon indiscrétion, mais la dame qui vient de monter… j’ai cru reconnaître une vieille amie. Ne serait-ce pas Mlle Periwinkle, par le plus grand des hasards ?
J’accepte de régler une nuit et me saisie de la clef tendue. Chambre 49.
— Mlle Periwinkle ?
— Bon séjour mon colonel. A votre service.
Elle devait être une fan d’Elvis Presley, mais les Parker ne sont pas tous impresario. A moins quelle ne fasse reference au « Colonel Mustard ». Bonne idée que de prendre l’identité d’un stylo plume.


L’ascenseur monte avec un doux ronronnement. La liftière, une jeune femme dans un uniforme ajusté au corps, garde les yeux fixés devant elle, les mains gantées de blanc croisées dans le dos.
— Belle soirée.
— Très monsieur.
— Dites-moi… la dame qui est montée juste avant moi. Vous la connaissez ? Je suis presque certain de la connaître… Une certaine Mademoiselle Periwinkle ?
La liftière pâlit légèrement. Ses doigts se serrent derrière son dos.
— Monsieur… je.. comprenais moi.. — Elle avale difficilement. — Le règlement est très strict. Nous ne pouvons pas parler des clients.
Elle sait parfaitement de qui je parle. ma question l’a visiblement mis mal à l’aise, voire inquiétée. Elle regarde ses chaussures.
Les portes s’ouvrent sur un couloir silencieux et moelleux, éclairé par une lumière tamisée.
— Monsieur… , chuchote-t-elle. Méfiez-vous du 43.
Je ne joue jamais de chiffre impair, je ne connait pas d’autrichien, à la rigueur ma pointure de chaussure ? Une mise en garde pour un future déplacement au Puy-en-Velay ?
Le couloir est un long tapis bordeaux, absorbant tous les bruits. L’air est immobile, parfumé au cirse et au vieux bois. Vous avancez lentement, passant devant des portes numérotées discrètement en laiton : 41, 42, 43… Méfiez-vous du 43. Je marque l’arret devant la porte, mais tout est silencieux ou presque. Une voix de femme pleurante, a peine audible.
— Je.., je .. sais pas .. .. parlez.
Un peu plus loin, une femme de chambre, chemisier et tablier blanc, jupe noire et une coiffe sur ses cheveux bruns, est penchée sur son chariot, A mon approche elle lève la tête.
— Bonsoir, Monsieur. Comment puis-je vous aider ?
— Vous avez entendu ? Chambre 43, une femme pleure.
Son sourire professionnel se fige, se craquelle. Elle ne confirme ni n’infirme. À la place, son visage pâlit légèrement. Elle serre le drap propre qu’elle tenait contre son tablier.
— Il… il ne faut pas faire attention, Monsieur. C’est… c’est la ventilation. Parfois, elle fait des bruits bizarres. Des courants d’air. On… on a déjà prévenu la maintenance. Mais vous savez ce que c’est. — Elle se reprend, forçant un sourire crispé. — Votre chambre est la 49, Monsieur ? Elle est parfaitement calme, je vous l’assure. Je vous souhaite une bonne nuit.
— La 49 oui. Je suis rassuré, merci. Bonne nuit a vous aussi.
Pendant que la femme de chambre pousse son chariot pour s’éloigner, souhaitant manifestement quitter cet étage au plus vite, je gagne ma chambre. Ce qui se passe dans la 43 ne me regarde pas. Je ne suis même sur que cette chambre soit celle de la femme que je suis.


Je fais les cent pas dans ma chambre, le peu de bagages que j’ai ne nécessitant qu’un rangement sommaire. Je devrais surement faire des achats demain. En attendant je n’ai rien mangé depuis 24 heures. Saisissant le téléphone et l’annuaire de l’hôtel, je me mets en quête du room service.
— Que pouvez vous conseiller a un homme qui a faim ? La faim ayant eu raison de ma patience.
— Bonsoir monsieur, comment puis-je vous aider ? Nous avons des sandwiches clubs, viande rouge ou blanche, des assiettes. Une voix calme et professionnelle me répond. Une femme.
— Auriez vous encore de ce merveilleux canard à l’orange que j’ai dégusté chez vous lors de mon dernier passage ?
— Bien sur monsieur. Je vous fais monter chambre 49, un canard à l’orange accompagné de quelques légumes cuits à la vapeur. Un panier de fruit et une eau en carafe. Autre chose monsieur ?
— Oui Demain matin 8h, je souhaite un petit déjeuné continentale pour deux personnes. Du café et de la marmelade Dundee avec les croissants. Scottish orange marmalade, de chez Murphy si possible.
— De chez Murphy; bien monsieur.
Ce brave Edward A. Murphy Jr, n’as jamais cuisiné la moindre confiture. mais il aurait formulé cette la loi : Tout ce qui est susceptible d’aller mal ira mal, et les tartines beurrées et confiturées tombent toujours du côté de la confiture sur votre pantalon neuf.
Mon repas dégusté avec appétit, il n’est pas vraiment le moment de profiter de mon lit king size. Il est tard mes je suis curieux de visiter ce palace de nuit.
Personne dans le couloir, et silence complet, l’hotel dors Je prends les escaliers, pour ne pas revoir la liftière et ses imprécations, et surtout ne pas me faire encore remarquer. Il est temps de se montrer discret, au travail !
Le hall est maintenant vide, seule une femme de ménage fatiguée mais consciencieuse fait le tour des sièges pour leurs rendre un éclat digne d’un palace.
Pas de trace de la conciergerie, on peut errer ici comme dans un moulin. Quelque part je ne suis pas surpris. Je serais très déçu d’être venu ici pour rien.


En cherchant un peu, je finis par trouver un escalier menant aux cuisines, sous prétexte de trouver la réceptionniste.
— Bonsoir monsieur, que puis-je faire pour vous ? Bien que cet endroit soit réservé au personnel.
— Je cherche la réceptionniste, j’ai besoin d’un comprimé d’aspirine et j’esperais que la conciergerie pourrais m’en fournir.
— Je pense vous trouver quelque chose, monsieur. Un comprimé, pas la réceptionniste.
Je me rends compte que les sous-sol sont grand et que je ne pourrait pas les visiter discrètement.
— Le personnel dispose t’il d’une piece de repos, d’un salon ou de chambres ?
— Vous êtes très indiscret, monsieur, ça ne vous regarde pas. Je vais vous demander de quitter ma cuisine.
Heureusement que j’avais mangé avant de sortir de ma chambre, j’aurais pu me voir privé de dessert.